Tout semblait parfait, pourtant Yach était malheureux. Il n'oubliait
pas les atrocités qu'il avait commises lors des nuits de pleine
lune. Les images des charniers où il s'était réveillé, les
babines sanguinolentes, restaient gravées dans sa mémoire. Il
devait se débarrasser de ce sortilège. Ce n'était qu'à cette
condition que son âme pourrait trouver la paix. Anton et Yach se
comprenaient de mieux en mieux, au-delà des mots. Anton ressentait
le sentiment d'abandon qui hantait Yach. Il lui apporta un soutien
protecteur. Il se prit d'affection pour ce jeune sans famille, sans
tribu, perdu, sans aucune compagnie. Yach avait besoin d'aide, alors
il se confia à Anton à demi-mots :
- La nuit, Anton, quand la lune très grosse, Yach méchant.
Anton sourit :
- La lune modifie le caractère de tout le monde. Nous subissons tous
son influence. Il n'y a rien de surprenant à cela. Nous sommes
soumis aux cycles lunaires.
Yach insista :
- Mais Yach très très méchant.
Anton rassura son ami. Il se disait que Yach avait vécu trop
longtemps comme un animal sauvage, il ne maîtrisait pas ses
émotions. La lune lui faisait peur, c'était normal, les éléments
naturels effraient les âmes les moins rationnelles qui n'y voient
que magie et démons. Yach se laissait bercer par le réconfort des
villageois. Anton lui répétait sans cesse de ne pas s'inquiéter,
alors il finit par le croire. Yach était devenu un citoyen
quelconque. Il vivait en paix, il avait des amis, il profitait du
bonheur paisible environnant. La lune grossissait. Yach ne la
regardait plus avec défiance, crainte ou frayeur. Ses amis lui
disaient qu'il ne risquait rien. Il se mit debout face au miroir de
sa chambre. Il adorait ce miroir avec qui il avait eu du mal à se
familiariser. Pensez-vous, ce miroir était diabolique, lorsque Yach
s'en approchait, un autre Yach apparaissait, mais il avait fini par
comprendre que toute sorcellerie n'est pas forcément mauvaise. Le
miroir ne l'avait jamais agressé, au contraire, le Yach du miroir
était aussi craintif que le vrai Yach, et lorsqu'il lui souriait, le
Yach du miroir aussi lui souriait. Ils étaient parvenus à bien
s'entendre tous les deux. Yach regarda son double :
- Yach plus peur de la magie. Magie pas méchante. Yach rester avec
ses amis ce soir.
Yach était rassuré. Il était entouré de chaleur humaine, de bons
sentiments, rien ne pouvait l'atteindre. Il s'endormit sans aucune
inquiétude, oubliant la lune et ses turpitudes, et se réveilla le
lendemain matin avec le sourire aux lèvres. Il était en pleine
forme. Il se leva d'un pas guilleret pour aller se vêtir. En passant
devant le miroir, il jeta un "B'jour" habituel au Yach du
miroir qui ne manquait jamais le rendez-vous du matin. Yach eut un
sursaut de frayeur. Le Yach du miroir était tout coloré, son visage
avait la couleur du sang. Il savait que le clone du miroir le copiait
souvent, ou bien était-ce l'inverse, mais il se dit que lui aussi
avait peut-être du sang sur le visage. Ce n'était pas bien,
personne en ville ne se promenait avec des tâches. Les êtres
humains prennent soin de leur hygiène, lui avait enseigné Anton, il
faut se laver chaque semaine. Yach saisit l'éponge, la mouilla, et
frotta, frotta. Il retourna timidement vers le miroir. Il éclata de
rire en voyant le Yach du miroir tout propre :
- Coquin, ça y est, toi lavé.
L'un des bergers du village avait plus de mal à s'égayer. Sept de
ses brebis avaient été égorgées et dévorées dans la nuit. Un
carnage, il ne restait que des os brisés. Mais ce qui inquiétait le
plus le berger, c'était que Rusty, son robuste chien de troupeau,
figurait lui aussi au nombre des victimes, et sans avoir donné la
moindre alerte. Pas un aboiement. Aucune meute de loup n'avait jamais
attaqué si près du village en déjouant la garde de Rusty. Cette
attaque était d'un nouveau type, plus sauvage que par le passé,
plus silencieuse, plus dangereuse.
Chapitre 8 - La révélation
Chapitre 8 - La révélation
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