Yach - Chapitre 6 - Victoire

Il s'était emprisonné, impossible pour un loup de s'échapper de cette prison. Il aurait souhaité dormir, oublier cette nuit à venir, et se réveiller le lendemain, sourire aux lèvres en regardant la lune s'enfuir. Mais impossible de dormir, il était secoué de spasmes, ses forces décuplaient, de l'énergie affluait, la lune lui transmettait sa puissance. Il maudissait cette lune, elle était sournoise, se montrait sombre, jouait les discrètes face à la force affichée du soleil, mais dès que le soleil prenait son repos, la lune, telle une murène, surgissait de sa cachette pour exercer son pouvoir. Yach se transforma, contre sa volonté, en une bête immonde, assoiffée de sang, il enrageait de ne pouvoir quitter son arbre, impossible de s'échapper sans se rompre le cou, les griffes ne suffisaient pas, il fallait des mains pour empoigner les branches et redescendre. De rage, il plantait ses crocs dans le tronc et lacérait les feuilles, mais l'arbre centenaire se moquait bien de la colère de ce loup présomptueux. Ainsi se déroula la nuit, un loup piégé par un enfant. Le lendemain matin, dès que le soleil commença à darder ses flèches acérées, le loup redevint Yach, un enfant affable, avide de découvrir le monde. Yach était épuisé et affamé. Le loup débordait d'énergie mais rendait à Yach un corps épuisé d'avoir fourni tant d'efforts durant toute la pleine lune. Cette nuit avait été plus rude que les précédentes, car il n'avait rien mangé. Il s'était battu toute la nuit, sans relâche, contre cet arbre qui le retenait prisonnier. Jamais il n'avait eu l'intention d'abandonner. Il en gardait les séquelles au petit matin. Les ongles de Yach étaient brisés en de multiples endroits et ses phalanges saignaient. Sa lèvre était fendue et une canine était ébréchée. Yach redescendit de son arbre avec prudence. Il était si las qu'il avait envie de pleurer. Il voulait retrouver le village au plus vite, là où ses semblables prenaient soin de lui, là où il était choyé, là où le loup ne viendrait pas l'importuner. Il marcha d'un pas lent, peu assuré, ses forces l'avaient abandonné. Ce fut Vladimir, encore lui, l'aubergiste, qui repéra au loin Yach se diriger vers le village d'un pas traînant. Il partit à sa rencontre et ne put réprimer une moue de tristesse en voyant dans quel état revenait l'étranger. Il l'aida à terminer son chemin jusqu'au village. A nouveau, il le nourrit, puis l'installa près du feu pour qu'il se repose et reprenne des forces. Yach pouvait récupérer. Il redevint l'attraction du village, et même si les intentions n'étaient pas toujours louables, même si parfois il faisait l'objet de moqueries, Yach ne courrait aucun danger. Anton, l'instituteur, se prit d'affection pour lui, ou plutôt pour le défi qu'il représentait. Il se mit en tête d'apprendre à parler à Yach. Le plus difficile fut que Yach accepte de se prêter au jeu. Il n'avait aucune raison d'apprendre à parler. Il ne manquait de rien, mangeait à sa faim, dormait au chaud, il n'avait besoin de rien de plus. Pas de besoin, pas de parole. Yach ne voulait pas déplaire à son ami, alors il essaya d'articuler des syllabes. Et, de fil en aiguille, Yach s'émerveilla de réussir à prononcer des mots simples. Il était fier comme un paon lorsque ses amis applaudissaient à un mot bien prononcé. Yach progressait vite, il était doué. Tous les enfants ont des prédispositions naturelles pour le langage, et l'esprit de Yach était aiguisé, dopé par les pouvoirs que la lune apportait au loup qui sommeillait au fond de son âme. Les semaines passèrent ainsi, paisiblement. Chaque mois, lorsque la pleine lune approchait, Yach courrait se réfugier dans son arbre. Le loup passait la nuit inconfortablement, il ne s'énervait plus, il savait que c'était inutile, mais il cogitait, il attendait son heure, il cultivait sa rancœur. Un jour il prendrait sa revanche. Le lendemain, Yach ne se souvenait de rien, il était seulement à bout de forces et affamé, il s'en retournait au village en se traînant et reprenait sa vie, ses apprentissages, il parlait de mieux en mieux, tissait des liens sociaux, il découvrait l'amitié. 

Chapitre 7 - Miam ! 

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