Yach - Chapitre 5 - L'orme


Son ventre lui faisait mal tant il s'était goinfré. Son estomac était énorme, il ne pouvait plus bouger, il s'apprêtait à faire un bon somme.
- Hé ben mon garçon, c'est que t'avais faim comme qui dirait.
Et tout le village de se mettre à rire. Jamais on n'avait vu quelqu'un manger autant. Le village riait, Yach riait, c'était le temps du bonheur facile, de l'insouciance. Yach était heureux, il se sentait en sécurité. Dans une ville comme celle-là, où les marmites tombaient du ciel, il ne risquait rien. Il ferait comme il avait prévu. Lorsque la lune deviendrait de plus en plus lumineuse, il s'éloignerait le plus possible, monterait dans un arbre d'où il ne pourrait redescendre que lorsque son corps aurait retrouvé sa forme humaine et inoffensive. Tout se déroulait pour le mieux. Les villageois lui avaient fait signe de les suivre, ils lui avaient offert le gîte, le couvert. C'était plus qu'il n'en espérait, même en rêve. Il avait une tanière rien que pour lui, et trop de nourriture. Il n'était pas habitué à manger si souvent. Yach devint un sujet d'observation. Il était l'attraction du village. Tout monde s'enquérait de son état, des évolutions, de ses progrès. Il était si curieux. Ils durent tout lui apprendre : ouvrir et fermer une porte, dormir sur le lit et pas au pied, ouvrir un robinet, manger avec des couverts, s'habiller. Le temps passait, bientôt trois semaines qu'il se faisait dorloter. La lune grossissait. Dans peu de nuits elle aurait une rondeur parfaite et diabolique. Son sang commençait à chauffer. Ses sourcils se fronçaient. Son insouciance s'évaporait. Yach comprit. Il attendit la nuit que tout le village s'endorme, et furtivement, il se glissa hors de sa chambre et s'éloigna à pas de velours. Lorsqu'il fut suffisamment loin, il se mit à courir aussi vite qu'il put. Il regarda la lune, elle grossissait, le narguait, mais ce n'était pas encore pour cette nuit, il avait le temps de s'éloigner, loin, très loin, là où il ne représenterait plus une menace pour cette ville si accueillante. Il courut tout la nuit, et continua le lendemain. Il était décidé à courir jusqu'à l'épuisement, mais ce fut la lune qui l'arrêta. Cette fois-ci était la bonne, dans quelques heures ce serait la pleine lune. Il fallait trouver mieux que courir. Il vit un orme de près de trente mètres de hauteur, si haut qu'il ne distinguait pas les plus hautes feuilles. Il planta ses ongles dans l'écorce, il enserra le tronc avec ses cuisses, et il se hissa, encore et encore. Arrivé au sommet, il jeta un œil en direction du sol et eut très peur. Le sol était si loin. Il s'installa comme il put dans un creux formé de plusieurs branches. Il serra très fort les branches et attendit.

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