La louve s’affola en voyant arriver Yach. Elle était allongée sur
le flanc, une patte emprisonnée dans un piège. Elle gémissait de
douleur. Yach était attristé devant un tel spectacle et était
animé des intentions les meilleures et les plus pures. Cependant la
louve grogna lorsque Yach s’approcha, elle avait peur de cet
inconnu. Elle était vulnérable. Yach regarda l’étrange piège
qui l’avait emprisonnée.
— Qu’est-ce que c’est ? demanda-t-il à la louve.
Elle ne lui répondit point, mais il ressentit ses émotions. Elle
était résignée, elle avait compris qu’elle allait mourir, elle
ne pouvait extirper sa patte de ces mâchoires de métal. Elle était
condamnée à rester ici et à mourir de faim.
— Non, non, pas t’inquiéter. On va trouver solution.
La louve soupira, elle ne s’attendait pas à ce que l’inconnu
inquiétant cherche une solution pour l’aider, mais elle avait
gagné un peu de répit. Au moins, il n’allait pas profiter de son
handicap pour l’achever. Certes elle allait mourir, mais le plus
tard était le mieux. Yach se pencha pour observer ce qui retenait sa
patte. La louve montra les dents, elle aurait préféré qu’il
garde ses distances, mais elle ne pouvait pas lutter, et il ne
semblait pas agressif, alors elle le laissa approcher. Yach se
rappela avoir déjà vu ces mâchoires de fer, au village des
humains, dans la maison de Vladimir, l’aubergiste. La première
fois qu’il les avait vues, elles étaient grandes ouvertes, et
lorsque Yach avait voulu les toucher, Vladimir l’avait sévèrement
réprimandé, il avait glissé un bâton au milieu des mâchoires et
elles s’étaient violemment refermées sur le bâton avec un bruit
sec. A présent, il ne savait quoi faire, les mâchoires étaient
dangereuses et il n’avait pas le droit de les approcher. Il regarda
la louve. Son corps était fin et musclé, ses yeux tendres, ses
joues creuses, sa tête reposait sur le côté, elle le regardait
avec inquiétude, mais bonté. Derrière la peur, Yach décelait une
grande âme sincère qui aimait la vie. Yach se prit d’affection
pour ce pauvre animal. Elle souffrait mais ne se plaignait pas, elle
le contemplait et lui rendait son regard résigné. Il n’y avait
rien à faire, c’était son destin, il n’y avait pas à se
plaindre. Yach surmonta sa peur et saisit les mâchoires. Il tenta de
les écarter, mais elles résistaient. Il abandonna. La louve eut une
moue dubitative à son attention, elle appréciait son désir de
l’aider, mais ses tentatives étaient vouées à l’échec, elle
le savait. Yach refusait de se résigner, il n’allait pas la
laisser mourir. Il se rappela les mâchoires chez Vladimir, elles
étaient espacées, ouvertes. Celles-ci devaient sûrement s’ouvrir
aussi, pour qu’un bâton ou une patte puisse se glisser à
l’intérieur. Yach serra les dents et grogna, il empoigna à
nouveau les mâchoires et tira des toutes ses forces. Les mâchoires
cédèrent et s’ouvrirent. La louve observait, stupéfaite, la
douleur sur sa patte avait diminué d’intensité, elle replia la
patte qui sortit du piège. Yach lâcha ses prises, le piège se
referma avec un claquement fracassant qui les fit sursauter tous les
deux. Ils se regardèrent, aussi surpris l’un que l’autre de voir
la patte en dehors du piège. C’était bien cela, la louve était
libérée. Yach éclata de rire, la louve ne fut pas aussi prompte,
elle avait du mal à réaliser que c’était bien vrai, l’étranger
l’avait sauvée. Quand elle réalisa, elle hurla sa joie. Yach
tendit les bras vers elle. Elle s’approcha sur trois pattes, en
boitant, mais libre et heureuse, elle frotta sa tête sur les jambes
de son sauveur, Yach caressa son pelage soyeux et la serra contre
lui. Il s’assit en tailleur. Elle se lova entre ses jambes et
laissa reposer sa tête dans ses bras. Ils étaient heureux, ils
avaient vaincu un destin tragique.
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