Yach - Chapitre 15 - Fichu lapin

Le vent soufflait si fort que ses tympans lui faisaient mal. L’espace d’un instant, il chercha à fuir cette forêt démoniaque, mais il se ravisa aussitôt. Tout se passait comme Anton l’avait dit, et si tout se passait comme prévu, alors au bout de son infernal voyage, il rencontrerait Watiba qui le sauverait de sa triste existence. Le jeu en valait la chandelle. Il avança à quatre pattes, incapable de se relever à cause des multiples contusions causées par sa chute. Il était fourbu, endolori, harassé, mais jamais il n’abandonnerait. Devant lui s’étendaient un champ d’arbustes hauts d’environ quarante centimètres. Leurs branches se terminaient par de jolies fleurs violettes aux étamines jaune vif : les fleurs qu’avait mentionné Anton. Il en saisit une, et tira pour l’arracher. Rien à faire, la tige résistait. Il tira encore plus fort, la tige ne céda pas, ses mains glissèrent et le frottement le fit saigner. Allons bon, que se passe-t-il encore, maugréa-t-il entre ses dents, en s’étonnant de n’être pas plus surpris que cela. Il se passait seulement que les tiges étaient incassables, impossible d’arracher une de ses satanées fleurs. L’effort l’avait revigoré, il parvint à se relever, et se remit en marche, à défaut de parvenir à cueillir une fleur. Des rafales de vent accueillirent ses pas, il manqua plusieurs fois de chuter, déséquilibré par la force du vent, mais il fit front. Plus il avançait, et plus le vent soufflait et sifflait. Le sifflement se fit plus strident, il devenait insupportable, il semblait traverser les tympans et aller jusqu’au cerveau qu’il irritait à en faire perdre connaissance. Yach se releva, il ne se rappelait plus pourquoi il était au sol, mais un souffle lui martelait la tête, il fit demi-tour. Une voix se fit entendre :
— N’oublie pas les trois magrittas, Yach.
— Qui êtes vous ? Où êtes-vous ? hurla Yach, effrayé et souffrant.
— Tu ne me reconnais pas, dit la voix, je suis Xodus, le serviteur de Watiba, j’ai déjà guidé tes pas dans la forêt de cyprès.
— Je ne veux pas toi, pleura Yach à l’attention de ce serviteur de malheur dont il se serait bien dispensé.
— Soit, je te laisse à ton destin, mais tu ne parviendras pas à avancer sans les magrittas.
— Magrittas pas d’accord pour se laisser cueillir.
— Contrôle tes sentiments. Maîtrise ta violence. Aime les magrittas. Embrasse-les et ils t’aideront.
ça, pour une surprise, c’était une surprise, les aimer et les embrasser. Jamais dans sa vie Yach n’avait embrassé quoi que ce soit, ni n’avait été embrassé. Il ne savait ni comment s’y prendre, ni comment interpréter ces paroles. Les fleurs violettes et jaunes étaient partout autour de lui. Il en saisit à nouveau une à plein main, et au lieu de tirer comme un forcené, il posa délicatement ses lèvres sur la tige, comme il l’avait vu faire chez les humains lorsqu’une mère avait déposé un baiser sur le front de son bébé. La fleur resta dans la main de Yach, la tige était coupée nette. Une coupure franche et propre. Yach était hébété. Il s’était exténué à tenter d’arracher cette maudite fleur, et voilà qu’elle tombait sans effort. Il n’y comprenait rien. Il recommença le rituel avec deux autres fleurs et se remit en marche, tout sourire, avec ses trois fleurs dans la main. Le vent soufflait toujours avec autant de force, mais il semblait contourner Yach, sans le toucher, sans l’incommoder. Le vent jeta son dévolu sur une plante grimpante qui couvrait un rocher immense. La plante fut soulevée dans les airs par la force du vent, dévoilant un trou béant dans le rocher : l’entrée d’une grotte. Cette apparition soudaine fit sursauter Yach, il était surpris et inquiet, que pouvait-il y avoir dans la grotte ? Yach fit quelques pas à l’intérieur, piqué par la curiosité. Un noir total et silencieux régnait à l’intérieur, il avança à tâtons, les mains devant lui pour se protéger. Le calme et le silence étaient angoissants. Son pied dérapa légèrement mais il lui fut impossible d’enrayer la chute, tout son corps suivit. Il tomba dans un trou creusé à même le sol et glissa comme sur un toboggan. Il était trempé, le souterrain était accompagné d’une fine cascade d’eau. Sa chute se termina dans un bassin d’eau limpide. Des rayons du soleil obliquaient vers le bassin en traversant une anfractuosité dans la roche. Yach était heureux comme un enfant dans une bassine d’eau en plein été, il ne savait pourquoi, mais tout concourrait à son bien-être : l’eau du bassin était d’un bleu turquoise pur, la température était agréable, la lumière douce et rassurante. Sur le bord du bassin, un lapin fit son apparition. Vision surprenante en ce lieu. Le lapin adressa un sourire à Yach, et lui parla :
— Bonjour Yach, heureux de te retrouver. Tu te rappelles de moi, je suis le lapin que tu as dévoré dans la forêt de cyprès.

Chapitre 16 - Watiba

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