Yach - Chapitre 14 - Fin du voyage ?

Yach courut plusieurs heures sans s’arrêter, il était en proie à une panique incontrôlable. Les événements passés l’inquiétaient au plus haut point. Tout se déroulait comme le lui avait prédit Anton, aux détails près qu’à chaque passage nouveau sur son chemin, il rencontrait une épreuve inhabituelle qui se terminait par une mort. Il courait pour ne plus être stoppé par un nouvel animal, pour atteindre Watiba sans causer aucun tort à quelque être que ce soit. Il franchit le fleuve Watéro sans s’en apercevoir, il avait continué de courir dans l’eau sans réfléchir, et lorsque la hauteur d’eau l’avait empêché d’avancer debout, il avait terminé la traversée en nageant, et arrivé sur l’autre rive, il s'était remis à courir comme si le fleuve n’avait jamais existé. Yach était possédé par un démon. Rien ne pouvait l’arrêter. Le chemin rétrécissait, il réalisa que la plaine dans laquelle il courait était en fait un plateau au sommet d’une montagne qui se terminait par une falaise vertigineuse. Peu lui importait, il y avait une passerelle tendue au-dessus du vide qui s’enfonçait dans le ciel jusqu’au col de la montagne suivante, il continua à courir sur la passerelle qui tangua dangereusement. Il dut saisir la corde pour ne pas perdre l’équilibre, mais pour rien au monde il n’aurait cessé d’avancer. Il ne put s’empêcher de jeter un œil sous ses pieds, et le vide lui tourna la tête. Homme ou loup, la peur du vide est inscrite dans les gênes. Il se ressaisit rapidement, fixa du regard son objectif, et avança, un pas après l’autre, comme autant de victoires sur le destin. Il rejoignit à nouveau la terre ferme, la crête était minuscule en comparaison du plateau qu’il avait quitté. Juché entre deux énormes rochers, un nid d’oiseau avait été confectionné, comme suspendu au-dessus du vide. Piqué par la curiosité, il s’approcha. A l’intérieur du nid étaient disposés des œufs énormes. Yach prit un caillou pointu et brisa une coquille, il ouvrit l’œuf en deux, et se rassasia goulûment de son contenu. Il n’avait pas songé à se nourrir depuis si longtemps qu’il ne pouvait se retenir à la vue de la moindre denrée comestible. Il goba le contenu de tous les œufs, rota, se laissa tomber au sol, et sourit. Il ne profita guère de son repos, des tenailles puissantes lui écrasèrent les épaules, il s’envola dans les airs. Il leva la tête, un aigle immense le tenait dans ses serres. La pression sur ses épaules se relâcha, il était au-dessus du vide, si haut qu’il ne distinguait pas les détails au sol. Il commença à chuter, il pédala des jambes, mais il ne fit que mouliner du vent. Il hurla, il tombait à une vitesse vertigineuse. Rien n’y faisait, au contraire, toute tentative de lutter contre la gravité augmentait son déséquilibre mais ne ralentissait pas sa chute. Il se résigna. Il était l’heure de mourir. Un sifflement flûté résonna dans ses oreilles. Il tourna la tête vers ce cri de trompette, dans une position inconfortable à cause de sa chute interminable. L’oiseau fondait sur lui. A nouveau il ressentit une forte douleur au niveau des épaules, et tout son sang, tous ses organes, furent envoyés vers ses pieds. Et il plana, il volait. L’aigle l’avait rattrapé en plein vol. Ils survolèrent des zones rocailleuses, des pâturages où de herbivores paissaient paisiblement. En voyant surgir l’aigle, c’était la panique parmi les ruminants, ils décampaient en tous sens. L’aigle ne leur accordait aucun intérêt, il inclina son vol, fit dos au soleil, et amorça une descente, comme s’il avait l’intention de se poser. Yach commença à espérer que son voyage aérien involontaire prenne fin, il n’était qu’à quelques mètres du sol. Si près du but, l’oiseau de malheur eut la mauvaise idée de le lâcher à nouveau. Yach rebondit sur le sol mais la pente de la montagne était si raide qu’il roula et continua à chuter en rebondissant sur le sol. Il dévala ainsi plusieurs centaines de mètres avant de s’immobiliser dans un bois où le vent semblait jouer à cache-cache avec les arbres. Il se rappela les paroles d’Anton qui prenaient valeur de prophétie à cet instant. Le bois au vent qui rend fou. Cueillir trois magrittas.

Chapitre 15 - Fichu lapin

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