Yach - Chapitre 13 - Deuxième rencontre inattendue

Yach trottait d’un pas léger. Certes l’épisode du corbeau l’avait chagriné, mais ce n’était qu’une mésaventure sans suite. Le sentier montait abruptement en lacet. Yach poursuivit cahin-caha l’ascension du mont. Il ne connaissait pas sa route mais Anton l’avait rassuré sur ce point " le chemin te sera révélé, il te suffira d’avancer, juste avancer sans jamais renoncer ". Effectivement, après seulement quelques heures de marche, il découvrit la forêt de cyprès que lui avait décrit Anton. Ils étaient bien là, comme dans l’image qu’il s’en était faite. Des cyprès hauts, droits, alignés, fiers. C’était la première fois que Yach voyait de tels arbres. Nadeshda, la sorcière, avait prévenu de se tenir sur ses gardes. Ces cyprès étaient magiques, ils ne poussaient normalement jamais dans cette région, ceux-ci étaient les serviteurs de Watiba. Yach pénétra dans la forêt avec insouciance, elle ne semblait pas très impressionnante avec ses arbres plantés au cordeau. Son attention fut attirée par le glapissement d’un pauvre lapin qui s’était pris les deux pattes dans un piège. Qui avait bien pu poser un piège dans cet endroit isolé ? Sans attendre la réponse, Yach porta secours au lapin. Il ouvrit les mâchoires du piège et le pauvre animal put enfin se dégager. Il se laissa tomber sur le côté, incapable d’avancer avec ses deux pattes brisées. Des larmes montaient aux yeux de Yach devant ce spectacle triste et injuste. Le petit lapin couinait de douleur, mais Yach ne savait pas comment le soigner. Il ne pouvait rien faire pour lui et en était désolé. Yach reprit sa route, ne pouvant rien faire de mieux. Il avait soif et faim. Il n’avait rien avalé de la journée. Il n’avait pas même croisé une cascade où il aurait pu se désaltérer. Il continua à marcher durant la nuit, la forêt de cyprès semblait interminable, il s’enfonçait à l’intérieur avec de plus en plus de difficultés, la faim lui tenaillait le ventre à présent. Il marcha des heures et des heures dans une monotonie et une solitude totale. Il tomba, de fatigue ou de faim, il ne le savait pas, d’épuisement général. Et son ventre lui faisait mal. Il devait manger et boire s’il ne voulait pas mourir. Il repensa au petit lapin. Sa petite bouille attendrissante, ses yeux cajoleurs, et toute cette souffrance dans le regard à cause de ses pattes brisées. Quel malheur ! Il fit demi-tour, sa décision était prise, s’il ne s’alimentait pas, il mourrait. Le lapin était condamné, avec ses pattes arrières inutilisables, il ne survivrait pas. Inutile de mourir à deux. Il allait manger le lapin. Il marcha bien plus vite qu’à l’aller. Il lui fallait faire vite pour attraper le lapin avant de mourir d’épuisement. Il trottait avec l’énergie de ceux qui ont senti la mort à leurs trousses. Le jour pointait lorsqu’il rejoint son point de départ. Il avait marché près de quinze heures pour rien. A un détail près : le lapin. Le lapin n’avait pas bougé d’un centimètre. Chaque tentative de déplacement lui arrachait un cri de douleur. Yach ne pensa plus à rien. Il regarda fixement le lapin, puis se jeta sur lui, une main enserrant la base du cou, au niveau du poitrail, et l’autre tenant fermement la tête. Le lapin une fois maintenu, il mordit à pleines dents et lui arracha en une bouchée la moitié du cou. Yach était heureux, il mangeait. Le sang coulait, Yach ne voulait pas en perdre une goutte. Il souleva le lapin et se mit dessous pour recueillir le sang. Yach était heureux, il buvait. Les forces lui revenaient. Son ventre ne gargouillait plus. Il dévora le lapereau sans oublier un seul lambeau de chair. Un cri de frayeur retentit. C’était Yach, qui soudain tremblait comme une feuille morte. Son regard était fixé sur un arbre dont un nœud s’était animé comme une bouche. L’arbre parla :
— Soit le Bienvenu Maître. Et les cyprès se courbèrent en signe de respect, ce qui eut pour effet d’augmenter le tremblement de Yach.
— Qui parle ? bégaya Yach.
— Je suis Xodus, le serviteur de Watiba, la princesse des ténèbres.
— Où êtes-vous ?
— Vous ne me voyez pas ? Nous sommes partout autour de vous. Nous vous protégeons, nous sommes les cyprès.
— Pourquoi vous m’appelez Maître ?
Un rire diabolique se fit entendre.
— Seul le Maître peut emprunter ce chemin et boire le sang du lapereau.
— Seulement voir Watiba pour retirer mauvais sort.
— Vous êtes la demeure du mauvais sort, l’incarnation de la Lune, comme l’est Watiba, votre destin est de remplacer Watiba. Le mal a besoin de vous. Là où vous passez ne subsiste que la mort.
Yach était effrayé par ce qu’il entendait autant que par cette voix. Il ne voulait être le maître de personne, il n’aspirait qu’à aimer son prochain, cajoler ses petits comme il l’avait vu faire dans le village. Il partit en courant, il en avait assez entendu, cet arbre racontait n’importe quoi. Yach ne sèmerait pas la désolation sur son passage, il pouvait changer sa destinée, il suffisait qu’il le veuille suffisamment fort.

Chapitre 14 - Fin du voyage ?

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