Yach - Chapitre 11 - La fuite


Yach n'avait pas besoin de savoir lire pour comprendre qu'il était temps de prendre le large. La vie lui avait enseigné la survie. Au lieu de chercher à se justifier, à s'expliquer, ou de feindre l'indifférence et partir tranquillement, il paniqua et s'enfuit à toutes jambes. Les villageois tenaient la preuve qu'il leur manquait : la fuite de Yach était un aveu. S'il n'avait rien eu à voir avec tous ces malheurs, il ne se serait pas enfui. Mais l'infâme, il s'échappait avant d'être démasqué. Les villageois ne l'entendaient pas de cette oreille. Ils détachèrent les chiens, sellèrent les chevaux, et pourchassèrent l'ignoble assassin. Yach entendait les chiens. Ils haïssaient les chiens. Ils étaient deux frères ennemis. Ils avaient le même ancêtre, les uns et les autres le pressentaient. Ils se reniflaient mutuellement. Dans son habit d'homme, Yach craignait les chiens qui l'auraient dévoré si leurs maîtres ne les en eussent empêché. Mais lorsqu'il revêtait sa carapace de loup-garou, les chiens devenaient des tapas qui ne suffisaient même pas à remplir son estomac. Les chevaux aussi avaient un rapport particulier avec Yach. Ils le craignaient, ils n'étaient que des animaux domestiques, Yach sentait l'animal sauvage, la brute sanguinaire. Mais les chevaux étaient enhardis par la présence des chiens. La meute se rapprochait, Yach sentait sa fin proche. Il s'épuisait et souffrait, mais ne pouvait s'arrêter car il n'arrivait pas à distancer ses poursuivants. Il ne dut son salut qu'à l'endurance de sa nature sauvage. Les chiens, les chevaux et les hommes s'étaient arrêtés dès la fin de la première nuit pour récupérer et surtout mettre temporairement un terme à leur souffrance. Yach continua sans marquer le moindre arrêt pendant plusieurs jours et plusieurs nuits. Il réalisa qu'il était seul, il n'entendait plus le bruit des chiens depuis longtemps. Enfin il pouvait se reposer sans risquer sa vie. Il s'écroula au sol et s'endormit pendant vingt-quatre heures. A son réveil, il était reposé, frais et dispo, mais une tristesse extrême l'envahissait car il avait tout perdu. Il n'avait plus d'ami, plus de village protecteur, et puis ces pauvres bébés qui avaient été massacrés, est ce que vraiment c'était son œuvre ? Il ne pouvait pas continuer cette vie, mieux valait mourir, il ne pouvait pas continuer à dévorer les enfants de ses amis. Il cherchait une solution pour s'ôter la vie lorsqu'il se rappela qu'il avait presque tout perdu. Presque, car il lui restait tout ce qu'Anton lui avait appris. Il savait parler, il pouvait communiquer avec les humains, c'était un trésor inestimable. Armé de tant de savoir, il pouvait se mettre en quête d'une solution, d'autant qu'Anton lui avait expliqué comment faire. Il suffisait d'aller voir Watiba. Elle connaissait les secrets des loups-garous, elle pourrait le délivrer de son mauvais sort et lui rendre son âme d'humain. Sa décision était prise et irrévocable : il irait trouver Watiba. Sitôt dit, sitôt fait, il se mit en marche d'un pas léger, en chantonnant en direction du pont des trépassés, première étape de son épopée. La vie était belle, il allait guérir.

Chapitre 12 - Rencontre inattendue

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