Anton
se sentait penaud avec sa solution. Il n'y croyait pas, ni à cette
solution, ni d'ailleurs à cette histoire de loup-garou qui aurait
attaqué Rusty. Mais il n'avait rien de mieux à proposer, alors, par
dépit, il demanda à Yach de s'installer confortablement à sa table
car il voulait lui parler.
- écoute
Yach, tu me dis que lorsque la lune est toute ronde, tu te
transformes, c'est bien ça ?
- Oui,
mais pas exprès Anton. Yach pas décider.
- Je
me doute oui, alors voilà ce que je te propose. Tu sais, la vieille
femme qui habite au bout du village, dont je t'ai dit qu'il ne
fallait pas écouter ce qu'elle racontait, et bien ça fait longtemps
qu'elle habite ici, et elle est très âgée, elle a vu beaucoup de
choses dans sa vie, elle a rencontré beaucoup de monde. Je lui ai
demandé ce qu'elle pensait de ton historie de transformation. Elle
m'a répondu qu'elle savait qui pourrait t'aider. Si tu veux bien, on
va attendre un peu pour être certain que tu te transformes toujours,
et si tu as toujours peur de ce qui se passe lors de la pleine lune,
je t'explique comment aller voir la personne qui pourra t'aider.
- Oh
merci Anton, oui, Yach vouloir guérir, plus mauvais sort.
Et
Anton lui détailla comment se rendre au mont Urulu rencontrer la
magicienne Watiba. Yach était heureux car une solution existait pour
rompre avec son malheur, et Anton était soulagé, il s'était
déchargé d'un fardeau. Cette histoire étrange trouvait une
explication, il pouvait à nouveau regarder les fleurs pousser. La
vie reprit son cours au village. La bonne humeur régnait, le climat
était rude, mais l'entraide était de mise. Ce matin-là, à l'heure
où le coq sonne le réveil, le chant du gallinacé fut recouvert par
les hurlements hystériques d'une femme, bientôt repris en chœur
par d'autres femmes dans le village. Au total, ce furent sept femmes
qui hurlèrent à la mort, se tapèrent la tête contre les murs, et
crièrent à vous fendre l'âme. La nouvelle se répandit comme un
traînée de poudre : des enfants avaient été mis en pièce
durant la nuit. Il n'en restait quasiment rien. De la charpie. Ils
avaient été broyés, déchiquetés, dévorés comme de simples
morceaux de viande. Le village fut pris de panique, de défiance, les
villageois se regardaient les uns les autres en se disant que
celui-ci était peut-être lié aux monstres qui avaient perpétré
cette horreur. L'atmosphère bon enfant qu'avait toujours connue le
village laissa place à la suspicion. Quelqu'un ou quelque chose
était forcément coupable, et quelqu'un était forcément au
courant. La paranoïa s'empara des villageois. Tant que les coupables
ne seraient pas démasqués et châtiés, tout le monde était
coupable. Comme toujours dans ces casa-là, les plus faibles firent
les frais de l'ambiance délétère, il y eut des passages à tabac.
Et puis la morale céda, au diable la morale, il fallait un coupable.
Yach était le dernier arrivé au village, il était étranger, et
étrange. Ce qui avait charmé à son arrivée devenait suspect à
présent. Chacun connaissait son voisin, savait qui étaient ses
parents, où il avait grandi, les erreurs qu'il avait faites.
Personne ne connaissait l'histoire de Yach le sauvage qui parlait à
peine. Personne n'avait de raison de s'en prendre à d'innocents
enfants, Yach n'avait aucune raison de ne pas s'en prendre à des
enfants fragiles. Ses enfants n'étaient pas sa famille, sa chair,
son sang, son village, ses origines. Les regards convergèrent vers
Yach. Yach était apeuré comme un louveteau pris au piège. A part
Anton, il n'avait pas de véritable ami. Pour la première fois de sa
vie, Anton pleurait. La mort ne l'effrayait pas, il l'avait
anticipée, intellectualisée, il savait qu'elle était incluse dans
le package de la vie. Il pouvait garder n'importe quel secret, il
pouvait accepter n'importe quel vérité. Mais cette horreur-là, ce
fut au-dessus de ses forces. Les morceaux d'enfants éparpillés
comme les reste d'un poulet rôti, la détresse des proches, ces
familles brisées, c'était trop. Lorsque Yach se rapprocha d'Anton,
ce dernier baissa la tête dans un aveu de trahison. Non, Anton ne le
protégerait pas. Pas cette fois-ci. Yach erra seul dans le village,
sous les regards haineux et les menaces de plus en plus audibles. Un
attroupement de plus en plus dense se fit autour de lui.
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