Vive la Récidive - Chapitre 15 - Fin

Pour Majid, quelques semaines plus tôt, dès sa libération, la situation avait été beaucoup plus ambivalente. Majid, qui n’avait pas été suffisamment cadré dans son éducation, était demeuré un idéaliste, un utopiste révolté qui ne dominait pas ses pulsions. Cette société qui avait autorisé le suicide d’un Nacer le dégoûtait. Il ne goûtait pas l’air frais de la liberté, il avait envie de tout faire péter encore une fois.

Le fourgon pénitentiaire les déposa, lui et les autres libérés du jour, à l’entrée de la station RER de Saint-Michel-Sur-Orge. Majid avança machinalement, descendit les marches sans réfléchir et remonta à mi-chemin pour s’arrêter sur le quai central. Il leva les yeux vers l’écran d’information à droite devant lui. Un train arrivait en gare dans 3 minutes. Trois minutes. Trois stations. Dans trois stations il serait à Arpajon, chez sa sœur qui l’hébergerait le temps de se ressourcer, d’obtenir le job de cariste des repris de justice. A croire que posséder un casier judiciaire était un prérequis pour être cariste ! Majid s’exprimait avec aisance, il pouvait envisager de travailler pour une société de télémarketing. Ce n’était pas mieux payé que cariste, mais on passait la journée assis dans un local climatisé, agréablement décoré, sur un fauteuil confortable, et l’on rentrait chez soi les mains propres. C’était important de ressentir qu’on avait les mains propres, lorsqu’on sortait de prison. Cariste ou télémarketing. Télémarketing ou cariste. Les deux choix flottaient au loin dans sa tête.

Plus près de lui, juste derrière à gauche, se trouvait un autre afficheur, qui renseignait sur la voie de derrière, celle où les trains arrivaient par la droite, faisaient une pause le temps de débarquer et d’embarquer des flots de passagers, puis repartaient vers la gauche, en direction de Paris, de la grande vie, des grands espoirs, des grandes chutes également. La ville du business, celle où son pedigree lui servait de carte d’identité, celle où il pourrait sans peine reformer une équipe de braqueurs, avoir le cœur qui bat à tout rompre, vivre debout et avec intensité, et envoyer une bonne gifle à tout ce système corrompu. L’afficheur indiquait un train à venir dans 2 minutes. Il tourna la tête vers l’affichage de la voie devant lui, il indiquait à présent 2 minutes également. Dans 2 minutes, il reprendrait son destin en main.

Arpajon. Paris. Il hésitait quant à la direction à prendre. Il se dit qu’un quai central de RER c’est con, ça oblige à choisir la direction que l’on veut prendre. Les gares ne devraient avoir qu’un seul quai, avec des trains qui circulent dans un seul sens. Il en était là de ses réflexions inutiles de prisonnier habitué à regarder le temps s’écouler sans but, lorsque la masse d’air déplacée par les rames de wagons précéda le bruit fracassant de l’arrivée des deux trains en gare. Il fut pris en sandwich entre la rafale du train venant de droite et celle du train de gauche. Il redécouvrait la puissance du vent qui le fit gémir de surprise plus que de douleur en s’engouffrant jusque dans ses tympans. Il marqua un temps d’arrêt avant de choisir, puis monta à bord. Les trains repartirent.

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