Rank
était désœuvré, il ne savait pas ce qu’il devait faire ni où
il devait aller, où il était attendu. Il fit ce qu’il faisait
toujours dans ces moments-là. Il fit ce que son cœur lui dictait :
il composa une chanson. Il créa les paroles, Lali composa la musique
et ils commencèrent à chanter. C’est ce qu’ils faisaient tous
les deux, lorsqu’ils étaient seuls, lorsqu’ils étaient heureux,
lorsqu’ils se sentaient bien l’un avec l’autre. Rank chantait,
il ne savait pas d’où lui venaient les paroles, il ne savait pas
ce qu’était l’inspiration, et il ne savait pas que l’Alliance
glissait régulièrement dans son esprit des refrains qui
favorisaient son inspiration. Il avait juste les
paroles de « Your song » d’Elton John qui trottaient
dans sa tête :
Tu
vois j’ai oublié s’ils sont verts ou bleus
De toute façon, ce que je veux vraiment dire
Tes yeux sont les plus doux que j’aie jamais vu.
J’espère que ça ne te dérange pas, j’espère que ça ne te dérange pas
Que j’ai mis par écrit
Comme la vie est belle depuis que tu existes.
De toute façon, ce que je veux vraiment dire
Tes yeux sont les plus doux que j’aie jamais vu.
J’espère que ça ne te dérange pas, j’espère que ça ne te dérange pas
Que j’ai mis par écrit
Comme la vie est belle depuis que tu existes.
Rank
chantait comme à son habitude, mais cette fois-ci il avait en sa
possession le sceptre qui, réagissant à la musique, les transposa
dans un autre univers où il fut accueilli en grandes pompes par le
Majestueux Bouc.
— Bienvenue
à toi Rank, nous t’attendions, notre peuple est prêt à te
suivre. Nous attendions ta venue. Notre armée est à ta disposition.
Rank
avait émergé dans le
monde de la Romance qui avait autrefois fait partie du Grand Empire
de Xarnia. Ses habitants ne rêvaient que d’harmonie et d’amour,
alors Urnia, la grande prêtresse du silence, les avait chassés pour
imposer sa dictature militaire paranoïaque planifiée. Urnia
haïssait les sons. L’évolution avait conduit à des modifications
physiologiques. Les sons ne présentaient plus d’intérêt puisque
les communications entre humains se réalisaient par interaction
électromagnétique neuronale, directement d’esprit à esprit.
L’appareil auditif des humains avait perdu sa fonction. Urnia était
le résultat d’une mutation génétique. Le schéma topologique de
son cerveau était celui d’une psychopathe maniaque. Lorsqu’ils
avaient découvert son câblage neuronal, les techniciens avaient
envisagé d’interrompre sa fabrication, mais le Cartel des
Ingénieux s’y était opposé car une telle mutation génétique
aléatoire n’allait pas se reproduire pas avant une éternité.
S’ils avaient pu anticiper l’avenir sur une échelle plus
importante, ils n’auraient pas fait cette erreur ! En
contrepartie de son cerveau spécifique, son embryon d’appareil
auditif présentait une perméabilité, infirmité qui pouvait briser
son cerveau au moindre son. Les sons étaient le talon d’Achille
d’Urnia. Rank apprit également que tous les peuples qui avaient
vibré aux sons des chansons avaient été chassés par Urnia et
exilés dans des univers parallèles, car elle craignait qu’un jour
ils ne se retournent contre elle. Tous les peuples où existaient
l’amour et le son avaient été bannis.
Mais
l’information la plus notable que le Majestueux Bouc apporta à
Rank était qu’il ne pouvait se fier sans crainte à personne, pas
même Lali :
— Urnia
et ses sbires sont maîtres dans l’art de manipuler les esprits et
usurper les identités., Même Lali peut être contrôlée par Urnia.
Si tu voux être certain que ce soit bien elle, tu ne peux se fier
qu’à tes sentiments.
Rank
n’était pourtant pas très inquiet à ce sujet. Il avait son idée,
il connaissait un moyen infaillible pour savoir si Lali était
ensorcelée ou pas. Ce moyen était de chanter. Dès qu’il
commençait à chanter, Lali ajoutait de la musique sur ses paroles,
et ils formaient un duo merveilleux, parfait, et ce duo-là, il ne
pouvait le former qu’avec Lali. Avec personne d’autre il ne
pouvait réaliser une telle symbiose. Quoi qui puisse arriver, il
saurait si Lali était vraiment Lali, la Lali sur qui il pouvait
compter car ils formaient le duo le plus soudé qui soit.
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