Le Gourou - Chapitre 3 - L'émerveillement

Le temps d'un clignement d'œil, Hérijao saisit avec délicatesse la tête d'Emmanuelle entre ses mains, et avec la rapidité d'un félin, apposa un baiser furtif sur ses lèvres. Au stade où elle en était, cet acte inimaginable ne la surprit pas outre mesure. Que pouvait-elle faire ? Crier " au viol, au voleur, à l'assassin " ? Toute la cour aurait rit. Le gifler ? Toutes les filles se seraient moqué d'elle, cette adolescente coincée qui fond en larmes pour un baiser volé. Elle n'eut pas le temps de trouver la solution qu'il était reparti aussi rapidement qu'il avait surgi. Disparu dans le fourmillement des élèves qui chahutaient, parlaient fort, se bousculaient, bifurquaient dans toutes les directions comme des alcooliques cherchant leur route dans un palais des miroirs. Emmanuelle resta plantée là, telle une fleur enracinée soumise à tous les vents. Par chance, ses amies, qui n'avaient pas subi autant d'émotions, réagirent avant qu'elle ne se dessèche.
- Petite cachottière, tu nous avais pas dit que tu le connaissais, fut la première à lancer Anaïs.
- Trop la classe la fille, confirma Jade.
- Tu caches bien ton jeu, lui susurra Inès avec un sourire complice.
Les compliments envieux fusaient de toute part. Le sort avait décidé pour elle. Elle ne maîtrisait les événements, elle les subissait, mais tout compte fait, la situation tournait à son avantage. Autant profiter de cette bonne aubaine. Elle retrouva donc son calme placide, son air naturel, sans pour autant dévoiler les dessous d'une histoire que toutes les filles auraient payé cher pour connaître, et la vie reprit son cours.

Les présentations étaient faites, aussi, lors de leur deuxième rencontre, il ne prit pas la peine de tourner autour du pot de miel et tira droit dans sa direction. Le cerveau d'Emmanuelle se mit à tourner à la vitesse d'une hélice d'avion, elle cherchait une solution, elle cherchait le problème, elle savait que quelque chose allait se produire, elle voulait anticiper. Son cerveau fut aussi productif que l'hélice d'avion qu'il imitait : beaucoup de vent. Rien ne se déroula comme on aurait pu s'y attendre. Hérijao se montra charmant, prévenant et plein d'humour, ne fit aucune allusion au baiser volé. Tout l'opposé du goujat trop entreprenant de leur premier contact. Il discourait de tout et de rien, et avait l'habileté de glisser au détour d'une phrase un compliment déguisé :
- On voit dans ton regard que tu doutes de toi. Pourtant, tu n'as vraiment aucune raison.
Ou bien il montrait que contrairement aux apparences, il n'avait jamais été indifférent :
- Je ne t'ai vu qu'une fois avec une robe pull bleue. C'était craquant, ça mettait en valeur ta silhouette de sirène, tous les gars se retournaient sur toi.
Ah bon, une silhouette de sirène ? Emmanuelle se trouvait juste trop grosse. Pourtant il était vrai que dans sa robe bleue moulante, les garçons se retournaient franchement sur son passage. Cette deuxième entrevue fut pour Emmanuelle un immense soulagement, elle prenait confiance en elle, et Hérijao abondait dans son sens, il faisait tout pour la rassurer. Elle espérait que leur relation continuerait dans cet esprit.

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